Rêves en carton
Laura Rodrigues, Géromine Gautier 24 juin 2023 jusqu'au 27 août 2023
Galerie
 
   

Tarif

Entrée libre
 

Deux artistes diplômées de l'ESAM Caen-Cherbourg exposent le fruit de 4 mois de résidence au Confort, où textile, peinture et sculpture se côtoient dans la Galerie.  

Commissariat de Yann Chevallier,


Contribution de Camille Bardin :    

   J’ai été désarçonnée en parlant la première fois avec Laura Rodrigues. En tant que critique d’art, j’ai pourtant l’habitude de rencontrer des artistes, de dialoguer avec elleux. Certain·es sont très loquaces, d’autres beaucoup plus frileux·ses à l’idée de devoir parler de leur travail. Chacun·e se dépatouille autant que faire se peut avec ce drôle d’exercice qu’est la visite d’atelier. Mais Laura Rodrigues n’est d’aucune de ces catégories. Elle est comme une enfant qu’on aurait surprise entrain de dessiner dans sa chambre et à qui on demanderait une explication logique, rationnel et poétique au moindre coup de crayon. La réponse dont il faut alors se satisfaire tient généralement dans un simple « parce que ».

Bien sûr, Laura Rodrigues est plus expressive. Mais elle conserve quelque chose de l’enfant qui fait parce qu’il a envie de faire, parce que les couleurs sont belles. À certains endroits, elle paraitrait presque embarrassée de voir son poignet aligner ainsi des formes capables de donner corps à ses souvenirs. Devant une de ses toiles, elle se demandait par exemple, comment cette figure était apparue. Pourquoi elle avait peint cette femme avec un corps comme celui-ci, une bouche comme celle-ci, des mains agencées ainsi. On finirait presque par croire que toutes ces figures sont indépendantes de sa volonté, nées comme par magie.

Il y a sans doute des raisons plus rationnelles à cela. Les frasques de l’inconscient sont peut-être l’une d’entre elles. Car Laura Rodrigues peint finalement des choses qui l’ont marqué. Sans hiérarchie aucune, elle déploie sur sa toile les images, les conversations et les pensées qui la traversent quotidiennement, s’impriment sur son coeur et ses rétines jusqu’à y laisser une empreinte indélébile. Je crois donc que les oeuvres de Laura Rodrigues sont des compagnes de route — peut-être même des ami·es imaginaires. Iels l’entourent, l’accompagnent, la protègent et parfois la libèrent.

   Difficile d’écrire sur le travail de Geromine Gautier sans succomber à l’emploi outrancier des énumérations. Car dans son atelier, l’artiste s’entoure d’une multitude d’ouvrages, de matériaux et de mots qu’elle écrit en gras sur le mur. Avec minutie, elle agglomère ainsi les savoirs, les sensations et les formes. Son processus de travail consiste ensuite — selon ses propres mots — à ruminer. L’artiste ingère, digère puis recrache presque compulsivement ses ressentis en des oeuvres. Après de longues recherches, c’est donc l’instinct qui prend le dessus. C’est lui qui agence finalement les matières et les formes.

À première vue, on pourrait être tenté de croire que le corps est absent de son travail. Pourtant, on le retrouve partout en négatif de ses formes. On le voit tordre, enlacer, suspendre. Le corps s’exprime et épouse la matière plus qu’il ne la contraint. Il élabore un langage en soi et au sein duquel les formes sont vocabulaire et les gestes grammaire. De l’association de deux matériaux né ainsi un récit capable de véhiculer une émotion. Géromine Gautier sculpte comme on écrirait un poème. Elle joue des tensions, des rythmes et des fractures. Elle crée des associations et élaborent une oeuvre-vers.

Dans son atelier, le dictionnaire des symboles n’est jamais bien loin. Néanmoins, Géromine Gautier insiste sur le fait qu’elle ne travaille pas à partir de ces derniers. Parfois, elle s’y réfère lorsque la forme est finalement mise au monde. Peut-être pour tenter de comprendre, de traduire ou décrypter ce que son corps a voulu dire en alignant ainsi mousse, crochets et laine.



Laura Rodrigues Groupe 0
 

J’ai été désarçonnée en parlant la première fois avec Laura Rodrigues. En tant que critique d’art, j’ai pourtant l’habitude de rencontrer des artistes, de dialoguer avec elleux. Certain·es sont très loquaces, d’autres beaucoup plus frileux·ses à l’idée de devoir parler de leur travail. Chacun·e se dépatouille autant que faire se peut avec ce drôle d’exercice qu’est la visite d’atelier. Mais Laura Rodrigues n’est d’aucune de ces catégories. Elle est comme une enfant qu’on aurait surprise entrain de dessiner dans sa chambre et à qui on demanderait une explication logique, rationnel et poétique au moindre coup de crayon. La réponse dont il faut alors se satisfaire tient généralement dans un simple « parce que ».

Bien sûr, Laura Rodrigues est plus expressive. Mais elle conserve quelque chose de l’enfant qui fait parce qu’il a envie de faire, parce que les couleurs sont belles. À certains endroits, elle paraitrait presque embarrassée de voir son poignet aligner ainsi des formes capables de donner corps à ses souvenirs. Devant une de ses toiles, elle se demandait par exemple, comment cette figure était apparue. Pourquoi elle avait peint cette femme avec un corps comme celui-ci, une bouche comme celle-ci, des mains agencées ainsi. On finirait presque par croire que toutes ces figures sont indépendantes de sa volonté, nées comme par magie.

Il y a sans doute des raisons plus rationnelles à cela. Les frasques de l’inconscient sont peut-être l’une d’entre elles. Car Laura Rodrigues peint finalement des choses qui l’ont marqué. Sans hiérarchie aucune, elle déploie sur sa toile les images, les conversations et les pensées qui la traversent quotidiennement, s’impriment sur son coeur et ses rétines jusqu’à y laisser une empreinte indélébile. Je crois donc que les oeuvres de Laura Rodrigues sont des compagnes de route — peut-être même des ami·es imaginaires. Iels l’entourent, l’accompagnent, la protègent et parfois la libèrent.

Géromine Gautier Groupe 1
 

Difficile d’écrire sur le travail de Géromine Gautier sans succomber à l’emploi outrancier des énumérations. Car l’accumulation est une part essentielle de sa démarche artistique. Géromine Gautier agglomère les savoirs, les sensations et les formes. Son processus de travail consiste ensuite — selon ses propres mots — à ruminer. L’artiste ingère, digère puis recrache presque compulsivement ses ressentis en des oeuvres. C’est donc l’instinct qui prend finalement le dessus dans l’atelier. C’est lui qui agence les matières et les formes. On peut ainsi dire que son travail est viscéral, qu’il part du ventre. Il est une viscère qui explose et s’offre à la vue de toustes.

À première vue, on pourrait pourtant être tenté de croire que le corps est absent de son travail. Mais il s’inscrit partout en négatif de ses formes. On le voit tordre, déchirer, suspendre. Le corps s’exprime. Il élabore un langage en soi et au sein duquel les formes sont vocabulaire et les gestes grammaire. De l’association de deux matériaux née ainsi une phrase, capable de véhiculer une émotion. Géromine Gautier sculpte comme on écrirait un poème. Elle joue des tensions, des rythmes et des fractures. Elle crée des associations et élaborent une oeuvre-vers.

Dans son atelier, le dictionnaire des symboles n’est jamais bien loin. Néanmoins, Géromine Gautier insiste sur le fait qu’elle ne travaille pas à partir de ces derniers. Parfois, elle s’y réfère lorsque la forme est finalement mise au monde. Peut-être pour tenter de comprendre, de traduire ou décrypter ce que son corps a voulu dire en alignant ainsi cheveux, latex et laine.