La venue du collectif Acid Mothers Temple à Poitiers est un petit événement en soi vu le statut culte que les japonais entretiennent depuis maintenant 20 ans dans le milieu du psychédélisme. Mené par le guitariste Kawabata Makoto depuis leurs débuts, le groupe s'est toujours fait le fer de lance d'un certain jusqu’au-boutisme musical en délivrant des titres de rock cosmique aux structures simples et aux improvisions hypnotiques de plus en plus longues et enchaînant les albums a une vitesse fulgurante - de un à cinq disques par an ! Sous les différentes appellations accolées au patronyme Acid Mothers Temple (& the Melting Paraiso U.F.O., & The Cosmic Inferno...) le collectif à géométrie variable aura sortie pas moins de 120 albums LP, EP ou live confondus. La discographie pléthorique des japonais évolue globalement dans les sphères brumeuses du space rock, plus ou moins teintées de progressif, de jazz, de noise ou de drone sans oublier quelques touches d’électro dans certaines compositions. Le groupe, véritable monstre protéiforme postmoderne dont le nom renvoi au Mothers of Invention de Frank Zappa et à Ash Ra Temple, s'affiche comme un héritier direct des courants musicaux des 70's. Les influences musicales allant du rock progressif au krautrock en passant par le hard rock des pionniers comme Black Sabbath ou Led Zeppelin ou le jazz électrique de Miles Davis. Pour illustrer ses longues plages de transe électrique Acid Mothers Temple se pare, non sans humour, de références directes aux groupes que les japonais admirent et donne lieu à des titres d'albums en forme d'hommage appuyé à l'âge d'or du rock des 70's. Impossible de na pas citer quelques pépites qui émaillent la discographie du groupe : 41st Century Splendid Man (2002), Minstrel In The Galaxy (2004), Son Of A Bitches Brew (2008), The Ripper At The Heaven's Gates Of Dark (2011) ou In Search Of The Lost Divine Arc sont autant de jeux de mots sibyllins que de clins d’œil désopilants aux grands noms tels que King Crimson, Jethro Tull, Miles Davis, Pink Floyd ou Hawkwind. Enfin, quid de la livraison annuelle ? Sans surprise, Acid Mothers Temple propose une fois de plus un trip halluciné obsédant. Sur un tapis de groove mid-tempo, les guitares et les claviers s’enchevêtrent dans un maelström de riffs passés à la moulinette du dieu fuzz. Trois titres composent un album qui s’avérera être un seul et même morceau segmenté, courant sur près d'1h10 et ponctué d'improvisations bruitistes. Les Japonais convoquent le Gong de la trilogie Radio Gnome dans l'utilisation des synthétiseurs, Magma pour le chant incantatoire et les premiers Amon Düul II dans la composition globale et les improvisations. L'album semble avoir été enregistré 45 ans en arrière, ravivant la flamme du psychédélisme des pionniers et l’esprit débridé des groupes qui ont contribué aux heures les plus exaltantes de l'histoire du rock. Benzaiten, dédié à la divinité japonaise du même nom, nous plonge dans un voyage onirique transcendantal inspiré par l’œuvre homonyme du compositeur Osamu Kitajima, sortie en 1974. De la même manière, le collectif s'était inspiré en 2001 du In C de Terry Riley. On parlera plutôt ici d'une réinterprétation de l’œuvre originale que d'une reprise, insistant encore sur les velléités postmodernistes du groupe et se rapprochant d'une démarche appropriationiste. Acid Mothers Temple assume une esthétique rétro sans complexe, en digérant respectueusement des références multiples pour un résultat jubilatoire. A n'en pas douter, l'expérience live la plus enthousiasmante qui nous sera donné à voir cet automne. |